jeudi 30 septembre 2010

Nesfluid : la formule ne convaint pas

On annonçait le lancement de Nesfluid comme l'innovation marketing de la rentrée. Nestlé misait d'ailleurs beaucoup sur son alicament comme l'article de LSA, Nestlé mise beaucoup sur Nesfluid, de juin le rappelait.

Le principe : créer le segment des boissons bien-être, segmentées par type de population : enfants, seniors, jeunes adultes, etc.). LA composition de Nesfluid :  une base de lactosérum et d’eau de coco (50% de la composition) additionnée de différents jus de fruits, thé vert, minéraux et vitamine qui allie hydratation et nutrition selon les besoins de chacun . Ainsi, la boisson pour enfants contiendra de la vitamine D et du lait, celle pour les seniors baptisée « Protect », du zinc, de la grenade et du sélénium. L’eau de coco est un ingrédient original et très tendance. Le produit sera commercialisé au moment des bonnes résolutions, en septembre. Ce lancement sera accompagné par une vaste campagne de communication. LSA rappelle que "le produit est lancé en France et a vocation, selon son succès, à être vendu dans d’autres pays". Quand on dit lancement stratégique...


Alors ? Nesfluid a convaincu ? Pas vraiment si l'on en croit MaxiSciences, qui vient de demander l'avis d'expert d'Isabelle Rigaud-Mallet, cofondatrices de Prunelle, une agence de communication spécialisée dans les problématiques de nutrition. D'ailleurs, le titre est explicite : Nesfluid : la nouvelle boisson de Nestlé ne convainc pas.

Avec sa nouvelle gamme Nesfluid, le groupe Nestlé innove, avec un concept au demeurant assez flou : celui de l'hydranutrition. Hydratation et nutrition réunies en un seul produit ? Isabelle Rigaud-Mallet, nutritionniste pour l'agence Prunelle, n'est pas convaincue.
La campagne publicitaire organisée par Nestlé dans le cadre du lancement de sa gamme Nesfluid envahira le petit écran, le web et la presse au début du mois prochain. Il faut avouer que ce renfort publicitaire se révélera certainement tout sauf inutile, pour imposer un produit qui ne convaincra pas facilement. Très chères, les boissons Nesfluid surfent sur la vague des aliments santé, avec le risque de lasser des consommateurs français utilisés ici comme témoins. Nestlé testera son produit en France, l'Hexagone étant réputé pour ne pas se laisser convaincre facilement.
Un marketing poussé à l'extrême aidera-t-il la gamme Nesfluid à subsister chez les distributeurs ? Les consommateurs se laisseront-ils convaincre ? La nutritionniste Isabelle Rigaud-Mallet, elle, ne cache pas son scepticisme.

Maxisciences : Quelle est la nouveauté proposée par la gamme Nesfluid ?
Isabelle Rigaud-Mallet : Nesfluid, c'est avant tout une association de deux éléments : l'eau de coco et le lactosérum. Ces boissons sont également sources de vitamine C (sauf dans le cas de la référence "Renforce"). Elles pourraient être inspirées de la gamme Vitamine Water, qui propose des boissons à l'eau de source enrichies en vitamines pour une action ciblée. La nouveauté, c'est le concept d'hydranutrition proposé par Nestlé, mélangeant hydratation et nutrition.

Hydranutrition ? Le mot est un peu barbare ! Pouvez-vous nous en dire plus ?A mon sens, ce nouveau terme complique encore le discours et va perdre un peu plus le consommateur. L'eau de coco a des propriétés intéressantes en termes d'hydratation car elle contient du sel, du potassium, etc. C'est intéressant dans les pays en voie de développement où elle est notamment utilisée pour réhydrater, mais il faut pour cela savoir conserver ses propriétés. La FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ndlr) a mis en place un procédé d'extraction permettant à l'eau de coco de garder ses propriétés nutritionnelles, mais est-ce celui que Nestlé utilise ? Je ne sais pas. Le lactosérum apporte, lui, des protéines et des minéraux. Ensuite, chaque référence est censée proposer certains bienfaits. Tout ça est un peu flou.

Pensez-vous que cette ixième nouveauté misant sur le marketing puisse fonctionner ?
Le produit est très beau, il donne envie. Très cher aussi (1,65 euro la bouteille de 25 cl, ndlr), et Nestlé préconise d'en boire deux par jour. Les jeunes, les catégories socioprofessionnelles supérieures et les personnes à fort pouvoir d'achat sont ciblées, pas les familles. Les mots utilisés pour nourrir la gamme sont intéressants d'un point de vue marketing mais certaines références vont un peu loin : "Body" par exemple, contenant du thé vert, du café et de l'ananas, est censé agir sur le métabolisme des lipides. C'est un peu osé. Je ne sais pas trop non plus ce qu'est cet "équilibre en fluides" que Nesfluid prétend contribuer à maintenir.

Cette nouvelle boisson présente-t-elle alors un bienfait quelconque ?
Je ne suis pas vraiment convaincue. Son seul vrai intérêt, c'est d'être une boisson allégée en sucre, plate. A part la référence Renforce, toutes les Nesfluid sont également sources de vitamine C. Son slogan prétend que Nesfluid, c'est "du bien pour tous, une solution pour chacun" ce qui est à la fois plein de sens... et vide de sens ! Disons que cette boisson ne peut en tout cas pas faire de mal."

Dans La Tribune aussi on laisse paraître son scepticisme face à des obstacles à priori insurmontables, même pour un géant de l'agroalimentaire:
  • Contexte européen : "Depuis quatre ans, l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a considérablement durci sa réglementation en matière d'allégations santé. Du coup, tous les grands groupes comme Danone, Kraft ou Ferrero ont retiré leurs dossiers en attente d'une improbable validation." 
  • "Ras-le-bol des Français pour les produits à connotation santé. Les fioles de jus de fruits et légumes Knorr Vie d'Unilever, les yaourts beauté Essensis de Danone, les eaux Vitamin Water de Coca-Cola sont tous réduits à l'état de niches ou même arrêtés."
  • Les distributeurs n'y croient pas : "Vu son prix et sa taille nous avons fait le pari en interne qu'il sortait du rayon avant un an."
Bon, il ne nous reste plus qu'à attendre le lancement de la campagne TV et l'annonce des résultats qui suivront pour définitivement juger du succès du produit !
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lundi 20 septembre 2010

Alicaments: des amis qui nous veulent du bien ?

Voici un article sur les alicaments paru sur Terrafemina qui est, à mon avis, une synthèse claire et objective sur le bien fondé de ces aliments qui fleurissent dans nos rayons (et dans notre frigo!). Le magazine féminin a également recueilli le point de vue d'une nutritionniste qui confirme l'efficacité des nutriments ajoutés, tout en rappelant la nécessité d'intégrer leur consommation à un mode de vie sain.

Bonne lecture!

Qu’est-ce qu’un alicament ?


Yaourts au bifidus, produits laitiers enrichis en calcium, en omégas 3, en stéréols, végétaux, acide gras, probiotiques… Si l’on ne sait pas vraiment ce dont il s’agit, une chose est sûre, les vertus qu’ils nous promettent sont assez convaincantes pour que ces alicaments se retrouvent illico dans nos chariots. Arrivés au beau milieu des années 70 dans les rayons des supermarchés européens, ces aliments-médicaments (d’où alicaments)  sont artificiellement enrichis en nutriments, sur lesquels on ne tarit  pas d’éloges. S’ils ne soignent pas ils auraient en revanche des vertus multiples. Quand certains de ces aliments rétabliraient le transit intestinal, d’autres lutteraient contre l’excès de mauvais cholestérol ou favoriseraient la croissance osseuse. Derrière ces promesses, une industrie agroalimentaire qui joue des coudes pour innover et gagner de nouveaux marchés.
Si les alicaments ne sont donc pas des médicaments à proprement parler, il s’agit bien d’aliments puisqu’on les retrouve dans les rayons aux côtés des produits laitiers, beurres, huiles végétales mais également parmi les produits céréaliers. Avec des ingrédients proches voire identiques à ceux qui entrent dans la composition des compléments alimentaires pris sous forme de gélules, fioles ou ampoules, les alicaments eux revêtent une forme alimentaire comme un yaourt, un jus de fruit ou une margarine.

Une réglementation stricte

Une réglementation stricte
Consommer des alicaments ou comment manger tout en préservant sa santé… Et c’est justement parce que ces aliments sont estampillés « bons pour la santé », « faible teneur en graisses », « sans sucre ajouté » ou « riche en fibres », qu’ils font l’objet d’une attention particulière. Les allégations nutritionnelles apposées sur les étiquettes de ces produits sont contrôlées au niveau européen depuis 2006. Les producteurs d’alicaments n’ont ainsi pas le droit de présenter leurs produits avec des allégations faisant état de prévention, traitement ou guérison de maladies. Ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis ou au Japon, où les chewing-gums contre le rhume côtoient des boissons « prévenant le cancer »...
D’autre part, tout ce que l’industriel affichera devra pouvoir être justifié d’un point de vue scientifique. L’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) est chargée de vérifier le bien-fondé scientifique des demandes d’allégation introduites, certaines étant déjà utilisées actuellement et d’autres étant proposées par des demandeurs d’autorisation. Ces informations sont ensuite étudiées par la Commission européenne et les États membres pour décider s’ils autorisent ou non l’utilisation de ces allégations. Il faut donc bien peser ses mots et mesurer ses promesses !

La polémique : des promesses nutritionnelles douteuses

La 
polémique : des promesses nutritionnelles douteuses
« Paroles, paroles, paroles…. ». Comment ne pas être tenté d’essayer un produit qui nous promet de guérir tous nos petits maux quotidiens et de faire de vieux os ? Et les industriels le savent bien. Les aliments fonctionnels sont aujourd’hui de véritables blockbusters ; ils ne pèsent pas loin de 4 milliards d’euros et représentent 46% des ventes de produits laitiers en France contre 9% il y a 10 ans. Les allégations nutritionnelles sont de manière évidente un argument de vente imparable. Les marques misent de plus en plus dessus si bien que « près d'un produit alimentaire sur quatre lancés actuellement en France met en avant un argument lié à la santé ». Cela permet de vendre un alicament entre 50 à 100% plus cher que son équivalent « classique ». Mais les consommateurs acceptent visiblement de passer à la caisse pour nourrir leur santé.
Trop chers, superflus, manque de preuves scientifiques… Les attaques lancées à l’encontre des aliments fonctionnels ne datent pas d’hier. Les associations de consommateurs accusent les fabricants de batailler en sacrifiant l’éthique sur l’autel du coup marketing plus que rentable. La nouvelle règlementation européenne a dernièrement relancé la polémique. Danone a retiré cette année ses demandes de labellisation d’Activia et Actimel, deux gammes d’aliments « fonctionnels », auprès de l’EFSA invoquant « un manque de visibilité dans l’application du règlement européen sur les allégations santé». Pour l’association de consommateurs CLCV, il s’agit d’« un rétropédalage spectaculaire » et constitue « une avancée importante pour la protection des consommateurs » : si Danone souhaite communiquer davantage sur les bienfaits de ses produits sur la santé il faudra apporter des preuves scientifiques aux différents organismes de santé. Le bras de fer entre les industriels et l’EFSA n’est pas fini. En effet, fin juin, l’EFSA annonçait avoir rejeté plus de la moitié des demandes d’allégations santé des industriels. Un frein à l’innovation pour ces derniers qui ne peuvent plus vanter auprès du consommateur les bienfaits supposés pour la santé des aliments sans l’aval de l’agence européenne compétente.

5 questions à Béatrice de Reaynal, nutritionniste

5 
questions à Béatrice de Reaynal, nutritionniste
Terrafemina -Quelles sont les grandes tendances à venir ? Et les consommateurs ciblés ?
Béatrice de Reynal - Nous disposons d’une telle qualité alimentaire en termes de choix ou de qualité nutritionnelle qu’aujourd’hui  nous ne voulons plus seulement nous nourrir, mais aussi avoir la meilleure santé possible, le plus longtemps possible. On recherche donc des aliments qui apportent toujours plus. Les produits qui tournent autour de la minceur, des maladies cardio-vasculaires, de l’énergie ou du stress ont beaucoup de succès. Et il y en aura toujours plus dans les rayons, car ils permettent aux industriels d’innover. C’est pour eux une voie quasi-obligatoire pour rester sur les marchés.

TF - Qu’est-ce que les industriels ont le droit de dire ou non, de faire ou non ?
B de R - Ils ont l’obligation de préciser que seule une alimentation équilibrée permet de rester en bonne santé. Il existe des lois précises qui interdisent aux industriels de tromper les consommateurs. Globalement, ne pas tromper c’est aussi en apparence. Les visuels, mentions et dessins sont concernés. Attention aux yaourts présentés avec de nombreux morceaux de fruits qui sont inexistants lorsque l’on retire l’opercule !

TF - Les bienfaits allégués sont-ils réels ? Trompent-ils les consommateurs ?
B de R - Les nutriments ajoutés sont efficaces mais leur consommation doit bien évidemment s’intégrer dans un mode de vie sain. Les gens du marketing ont toujours tendance à exagérer leurs vertus. Et les consommateurs sont prêts à rêver donc un peu fautifs. Le principe de précaution n’est pas vendeur, on le sait très bien. Le meilleur des contre-pouvoirs c’est l’information ! Le consommateur doit ouvrir l’œil. Si je dois donner un seul conseil, ce serait de lire les étiquettes et de prendre du recul par rapport aux allégations nutritionnelles!

TF - Des produits naturels (fruits, légumes, lait…) ne sont-ils pas autant bénéfiques ?
B de R - Ce n’est pas parce qu’un aliment est naturel qu’il est plus efficace. De la même manière, tout ce qui est étiqueté « Bio » n’est ni meilleur ni plus profitable. Les aliments fonctionnels ne sont pas « nécessaires ».Pour rester en bonne santé, il suffit simplement de consommer des produits basiques et simplement préparés sans ajouter de superflu… sans oublier de faire du sport !

TF - Une surdose est-elle dangereuse ?
B de R - Il n’y a aucun risque sur ces produits, mais leur consommation est à éviter chez la femme enceinte. De toute façon l’aliment-médicament provoque rapidement la satiété puisqu’il nourrit. Le risque de surdosage est donc minime.

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